Les gérants de fonds augmentent leur exposition aux actions malgré des inquiétudes record de surévaluation
Les marchés boursiers mondiaux connaissent une divergence significative de sentiment, comme le révèle une récente enquête mensuelle des gérants de fonds de Bank of America (BofA), montrant qu'un nombre record d'investisseurs institutionnels perçoivent les actions comme surévaluées, même en augmentant leur exposition à ces actifs. Ce paradoxe suggère une approche prudente mais opportuniste de la part des gérants de fonds naviguant dans un paysage d'amélioration des attentes de croissance et d'évolution de la politique monétaire.
L'événement en détail : les préoccupations de valorisation rencontrent un optimisme renouvelé
L'enquête mondiale des gérants de fonds de BofA de septembre 2025, qui a interrogé 196 gérants institutionnels supervisant environ 490 milliards de dollars d'actifs, met en évidence un tableau frappant : 58 % des répondants estiment désormais que les actions mondiales sont surévaluées, une légère augmentation par rapport aux 57 % d'août. Ce chiffre marque un record pour les préoccupations de valorisation parmi le groupe interrogé. En revanche, seuls 10 % pensent que les marchés obligataires se négocient au-dessus de leur juste valeur.
Malgré ces préoccupations de valorisation élevées, les gérants de fonds ont considérablement augmenté leurs allocations aux actions. La part nette des gérants surpondérant les actions mondiales a doublé depuis août, atteignant un sommet de sept mois de 28 % en septembre. Cela représente une augmentation substantielle de 14 points de pourcentage par rapport à la position nette surpondérée de 14 % enregistrée en août 2025. Parallèlement, les niveaux de liquidités sont restés bas et stables à 3,9 % pour le troisième mois consécutif, indiquant un fort appétit pour le déploiement de capitaux.
L'optimisme concernant la croissance mondiale a également connu une amélioration marquée. L'enquête a enregistré le plus grand bond des attentes de croissance économique depuis octobre 2024, avec seulement 16 % des gérants s'attendant désormais à un affaiblissement de l'économie mondiale au cours des 12 prochains mois, une diminution substantielle par rapport aux 41 % d'août. La mesure composite du sentiment de BofA, qui combine les soldes de trésorerie, le positionnement en actions et les attentes de croissance, est passée de 4,5 points en août à 5,4 points, marquant sa lecture la plus forte en sept mois.
Analyse de la réaction du marché : une position de prise de risque nuancée
La contradiction apparente entre l'augmentation des allocations aux actions et les préoccupations record de surévaluation peut être attribuée à plusieurs facteurs, notamment un changement perçu dans la politique de la banque centrale et des perspectives économiques en amélioration. La réduction de 0,25 point de pourcentage du taux de la Réserve fédérale le 17 septembre 2025, la première de l'année et depuis décembre 2024, signale un pivot d'un contrôle agressif de l'inflation vers une stabilisation économique. Historiquement, les cycles de réduction des taux de la Fed ont souvent coïncidé avec des rendements positifs pour le S&P 500, qui a enregistré en moyenne 14,1 % de rendements dans les 12 mois suivant le début d'un cycle de réduction des taux.
Ce changement de politique, couplé aux attentes de croissance améliorées, a alimenté un sentiment de prise de risque nuancé. Les gérants de fonds ont augmenté leur exposition à des secteurs spécifiques, notamment la santé, les télécommunications et la consommation discrétionnaire. Une part importante de cette allocation accrue a afflué vers les actions technologiques, avec un net de 20 % des gérants de fonds désormais surpondérés dans le secteur – l'allocation technologique la plus élevée depuis juillet 2024. Cela reflète la domination continue des "échanges encombrés" tels que "Long the Magnificent Seven", qui est resté l'échange le plus encombré pour le deuxième mois consécutif.
Inversement, les gérants de fonds ont réduit leur exposition aux secteurs jugés moins favorables dans l'environnement actuel, notamment les services publics, l'énergie, et les actions britanniques et européennes. Alors que les secteurs défensifs comme le Consumer Staples Select Sector SPDR Fund (XLP) et le Utilities Select Sector SPDR Fund (XLU) ont enregistré des gains initiaux depuis le début de l'année, l'environnement récent de réduction des taux, caractérisé par un ralentissement du marché du travail et une inflation persistante, a conduit à une rotation stratégique, déplaçant le capital institutionnel des actifs cycliques comme les banques vers des secteurs défensifs tels que la santé.
Contexte et implications plus larges
Le marché plus large a reflété cet optimisme renouvelé, quoique prudent. Le S&P 500 a clôturé à un niveau record lundi pour la 25e fois cette année et est maintenant en hausse de 12 % en 2025. De même, l'Or (GC00) a également atteint un niveau record, augmentant de 40 % cette année, indiquant une fuite vers la sécurité perçue ou une couverture contre l'inflation.
Malgré le sentiment haussier, les risques restent au premier plan pour les gérants de fonds. 26 % citent une deuxième vague d'inflation comme le principal "risque de queue", tandis que 24 % craignent que la Réserve fédérale ne perde son indépendance, ce qui pourrait déclencher une dépréciation du dollar. Ces préoccupations soulignent l'équilibre délicat que les investisseurs tentent de trouver entre la capitalisation des opportunités de croissance et l'atténuation des risques systémiques.
Perspectives
Les mois à venir seront cruciaux pour déterminer si l'optimisme actuel du marché peut être maintenu malgré les préoccupations de valorisation dominantes. Les investisseurs suivront de près les prochains rapports économiques et les actions futures des banques centrales. Notamment, 47 % des gérants de fonds anticipent quatre réductions de taux ou plus de la Réserve fédérale au cours des 12 prochains mois, suggérant une attente de politique monétaire accommodante continue. L'interaction entre les bénéfices des entreprises, les tendances de l'inflation et les développements géopolitiques façonnera la direction du marché, exigeant une vigilance continue de la part des investisseurs alors qu'ils naviguent dans un paysage de marché complexe et souvent contradictoire. L'environnement actuel suggère une stratégie d'allocation prudente, équilibrant le potentiel de croissance avec une conscience des risques sous-jacents.